La création littéraire et le rêve éveillé
Nous autres, profanes, avons toujours vivement désiré savoir d'où
cette personnalité à part, le créateur littéraire (poète, romancier ou
dramaturge), tire ses thèmes - ceci à peu près dans le sens de la
question qu'un certain cardinal adressait à l'Arioste, - et comment il
réussit, grâce à eux, à nous émouvoir si fortement, à provoquer en nous
des émotions dont quelquefois même nous ne nous serions pas crus
capables. Notre intérêt à cet égard ne fait que s'accroître quand nous
voyons le créateur lui-même, lorsque nous l'interrogeons, ne pas savoir
nous donner de réponse, du moins pas de réponse satisfaisante. Et cet
intérêt ne se laisse pas non plus troubler par ce fait bien connu que
l'intelligence la meilleure du choix des thèmes et de l'essence de l'art
poétique ne saurait en rien contribuer à faire de nous des créateurs.
Si du moins nous pouvions découvrir en nous, ou chez quelqu'un de nos
pareils, une activité en quelque sorte apparentée à celle du poète !
L'étude de celle-ci nous permettrait d'espérer une première élucidation
de son travail créateur. Et cela semble n'être pas un vain espoir : les
créateurs eux-mêmes se plaisent à diminuer la distance entre ce qui fait
leur originalité et la manière d'être en général des hommes ; ils nous
assurent bien souvent que chaque homme recèle un poète et que le dernier
poète ne mourra qu'avec le dernier homme.
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